Chronique des assassins en uniforme

Parmi les plus belles avancées de la "constitution" européenne, en voici une, peut-être un peu imprévue, mais rigoureusement inéluctable :à l'heure où l'assassinat (raté) d'une journaliste gênante aurait pu l'empêcher de déchirer le sombre tissu de la propagande, faut-il rappeler aux autruches que la soumission de la République française aux ukases de "l'Europe" , c'est la soumission aux ordres de l'Otan, son bras armé, à savoir la soumission aux ordres venant des criminels de guerre et de paix qui "gouvernent" les USA, et donc le consentement à la fabrication de "tueurs" de civils du type de ce marine devenu fou après quatre mois d'enfer irakien. On se demande comment des citoyens peuvent encore penser à voter "NON" à une Europe aussi séduisante ! Comment ça ? vous ne voulez pas voir vos enfants et vos petits-enfants jouer les tueurs en Irak, puis en Syrie, puis en Iran, puis en Corée, et puis...en France, pourquoi pas ? Il y a déjà tellement de terroristes qui manifestent de plus en plus souvent dans ce pays...

 

il manifesto du jeudi 5 mars 2005

Moi, un marine killer de civils

PATRICIA LOMBROS

- «J'ai vu l'horreur de ce que nous faisons chaque jour en Irak, j'y ai participé. Nous ne sommes que des assassins. Nous tuons des civils irakiens en permanence: rien de plus. Je pense que tous les contingents militaires étrangers en Irak doivent être immédiatement retirés. Et je le dis aux autres soldats, qui pour éviter des punitions et des représailles de l'armée ne veulent pas parler et admettre que notre mission n'est pas de tuer des terroristes mais des civils innocents». C'est ainsi, dans l'interview à il manifesto, que Jimmy Massey, de Waynesville; une petite commune de Caroline du Nord, a décidé de déchirer le voile de silence qui enveloppe la «noble mission» en Irak. Congédié du corps des marines pour des raisons médicales, il a écrit un journal, «Cow-boys from Hell», qui sera publié à la fin de l'été.

Quelle était votre situation?

- J'étais sergent dans le 3ème bataillon des marines pendant l'invasion, au printemps 2003.

Combien de temps êtes-vous resté?

- Du 22 mars au 15 mai. Quatre mois d'enfer. Ils ont dû me renvoyer aux Usa pour stress disorder. C'est le terme employé en jargon militaire pour dire que j'ai perdu la raison à cause de l'horreur que j'ai vécue.

Avez-vous été dans les marines pendant longtemps?

- Pendant douze ans.

Aviez-vous déjà été à la guerre avant?

- Jamais.

Maintenant vous êtes membre du groupe «Vétérans d'Irak contre la guerre».

- Oui. Au début, je me suis rendu en Irak avec la conviction de devoir éliminer les armes de destruction de masse. Mon expérience de marine m'a rapidement fait comprendre que la réalité était toute autre. Nous étions des «killer cow-boy». On tuait des civils innocents.

Vous admettez, vous, que vous avez tué des civils innocents?

- Oui. Et plusieurs.

Comment est-ce arrivé?

- A côté de notre base, au sud de Bagdad, avec tout mon peloton, nous avons donné l'assaut à un groupe de gens qui était en train de manifester pacifiquement. Pourquoi? Parce que nous avions entendu des coups de feu. Ça a été un bain de sang. Il n'y avait même pas l'alibi que ces civils puissent être engagés dans des «activités terroristes», comme notre intelligence voulait nous faire croire. Nous avons tué plus de trente personnes. Ça a été la première fois que j'ai dû affronter l'horreur d'avoir les mains couvertes de sang de civils. Ils étaient bombardés par les clusters bombs, les gens fuyaient et quand ils arrivaient aux check points où on se tenait avec les convois armés, les informations que nous donnaient les services étaient de toucher ceux qui pouvaient être présumés appartenir à des «groupes terroristes».

Et vous que faisiez-vous?

- On finissait par massacrer des civils innocents, des hommes, des femmes et des enfants. Avec notre peloton, quand nous avons pris le contrôle d'une station radio, nous ne faisions qu'envoyer des messages de propagande destinés à la population, en l'invitant à continuer dans sa routine quotidienne, à garder les écoles ouvertes. Nous ne savions pas que les ordres à suivre étaient au contraire de search and destroy, des irruptions armées dans les écoles, dans les hôpitaux, où pouvaient se cacher les «terroristes». C'étaient en fait des pièges tendus par notre intelligence, mais nous nous ne devions pas tenir compte des vies des civils qu'on aurait tué pendant ces missions.

Vous admettez que pendant votre mission vous avez accompli des exécutions de civils innocents?

- Oui. Mon peloton aussi a ouvert le feu contre des civils, moi aussi j'ai tué des innocents. Je suis un killer, moi aussi.

Comment avez-vous réagi, après ces opérations, en pensant aux innocents que vous aviez tués?

- Pendant quelques temps au début, j'ai nié la réalité: que j'étais un killer et pas un soldat qui sait faire la différence entre le juste et le faux; et puis un jour, en me réveillant le matin, j'ai repensé à un jeune, qui avait miraculeusement échappé au massacre des passagers de sa voiture et qui me demandait en hurlant: «Mais pourquoi tu as tué mon frère?». Ça devint une obsession. Je perdis le contrôle de mon équilibre psychique. J'étais incapable de bouger et de parler, je restais atterré, le regard fixe sur le mur.

Quelles mesures ont prises vos supérieurs?

- Pendant trois semaines, en Irak, on m'a bourré d'antidépresseurs, de psychotropes. C'est leur première réaction quand ils ont ces cas de «stress traumatique», quand les soldats sont pris dans ce refus de tuer.

Votre entraînement aux USA ne fait-il pas de vous l'unité la plus violente et agressive utilisée par le Pentagone?

- Oui. Dans le programme qu'ils appellent boot camp chacun de nous est soumis à des techniques de «déshumanisation» et de «sensibilisation à la violence». Mais ils ne m'avaient pas dit, à moi, que ça, ça voulait dire tuer des civils innocents.

Trois semaines immobilisé par des anti-dépresseurs en Irak. Et après?

- Comme ils ne savaient plus quoi faire, ils m'ont fait rentrer. Maintenant je suis inapte, congédié de l'armée avec honorable discharge.

Y en a-t-il d'autres dans votre situation?

- Beaucoup. Et ils sont encore au front. Ils les bourrent d'anti-dépresseurs et ils les renvoient se battre. C'est un problème qui a atteint des dimensions préoccupantes, mais il ne faut pas en parler dans les milieux militaires. En 2004, 31 marines se sont suicidés, 85 ont fait des tentatives de suicide. La plus grande partie de ceux qui ont préféré se suicider plutôt que de continuer à tuer a moins de 25 ans, 16 pour cent n'a pas 20 ans.

Edition de jeudi 3 mars de il manifesto

http://abbonati.ilmanifesto.it/Quotidiano-archivio/03-Marzo-2 005/art17.php3

Traduit de l'italien par m-a patrizio

 

En complément : dépêche AFP du 05-03-05 14h29

Giuliana Sgrena : une "pluie de feu" s'est abattue sur la voiture AFP | 05.03.05 | 14h29

Une "pluie de feu" s'est abattue sur la voiture transportant Giuliana Sgrena, 56 ans, vers l'aéroport de Bagdad après sa libération après un mois de captivité, a raconté samedi la journaliste italienne à la chaîne de télévision RaiNews24.Une "pluie de feu" s'est abattue sur la voiture "au moment même où je parlais avec Nicola Calipari", 51 ans, l'agent des services spéciaux italiens mort en faisant bouclier de son corps, a-t-elle dit par téléphone depuis l'hôpital militaire Celio où elle a été transportée après son retour à Rome en fin de matinée."On n'allait pas très vite étant donné les circonstances (...) Le feu continuait. Le chauffeur n'arrivait même pas à expliquer que nous étions italiens", a ajouté Giuliana Sgrena."Giuliana avait des informations et les militaires américains ne voulaient pas qu'elle s'en sorte vivante", a affirmé par ailleurs le compagnon de la journaliste Pier Scolari en évoquant "une embuscade" américaine.Au moment où elle a été prise en otage, le 4 février dernier, la journaliste préparait un reportage sur des fugitifs de Falloujah venus s'abriter dans une mosquée de Bagdad après les bombardements américains sur le bastion sunnite."Nicola Calipari est mort sur le coup, il a été touché à la tête", a déclaré Pier Scolari à sa sortie de l'hôpital Celio, en > précisant que Giuliana avait été avertie dimanche dernier de sa libération prochaine.M. Scolari était parti vendredi soir à bord d'un Falcon 900 mis à disposition par la présidence du Conseil pour aller chercher sa compagne à Bagdad.Le drame est survenu en début de soirée lorsque des soldats américains ont tiré sur le véhicule amenant la journaliste et ses accompagnateurs à l'aéroport de Bagdad.Le corps du chef de mission italien devait être rapatrié en Italie un peu plus tard dans la journée de samedi tandis qu'un des deux autres agents, légèrement blessé, est rentré dans le même avion que la journaliste. Il a été transporté à l'hôpital Celio pour des examens."Les Américains et les Italiens avaient été avisés du passage de la voiture. Ils étaient à 700 mètres de l'aéroport, ce qui veut dire qu'ils avaient passé tous les contrôles", a précisé Pier Scolari."Toute la fusillade a été suivie en direct par la présidence du Conseil qui était au téléphone avec un des membres des services spéciaux. Puis les militaires américains ont confisqué et éteint les téléphones portables", a ajouté M. Scolari qui à ce moment là était présent au Palazzo Chigi, siège de la Présidence du Conseil.Les Etats-Unis se sont engagés à mener "une enquête complète" sur les tirs contre le convoi de l'ex-otage.Selon l'armée américaine, ses soldats ont d'abord fait des signes et allumé des lampes torche, puis effectué des tirs de sommation pour obliger le véhicule, qui roulait à grande vitesse, à s'arrêter.