On voit très bien Deir Yassine, depuis Yad Vashem par Paul Eisen 15.01.2006

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Traduit de l'anglais en français par Marcel Charbonnier, membre de Tlaxcala, le réseau de traducteurs pour la diversité linguistique ( transtlaxcala@yahoo.com ).

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Depuis des années, on a attiré notre attention sur l'extrême proximité entre le village de Deir Yassine et le mémorial de l'Holocauste juif, à Yad Vashem

On a encouragé les juifs à venir visiter Deir Yassine, point de départ symbolique de près de six décennie de dépossession des Palestiniens et, de là, à apercevoir Yad Vashem

On a aussi demandé aux Palestiniens de visiter Yad Vashem [ah, si au moins, ils étaient autorisés à le faire !.] - symbole de la souffrance juive - et, de là, à contempler, par-delà la vallée, le berceau de leur propre tragédie Tout le monde était content

Les juifs dotés d'une conscience étaient manifestement satisfaits de voir encore une fois la souffrance juive placée au centre du discours, mais heureux, aussi, d'étendre leur narratif de souffrance jusqu'à y inclure les Palestiniens Les Palestiniens étaient quant à eux peut-être un petit peu moins heureux de devoir - pour la énième fois - reconnaître la souffrance juive afin de faciliter la réalisation de leur propre libération, mais ils reconnaissaient l'importance de la publicité que le lien établi entre Deir Yassine et Yad Vashem avait pu apporter à leur cause Bien sûr, il fallait faire gaffe : comme bien souvent, avec ces trucs-là, il y avait un « mais ».

Après tout, qui de sensé irait comparer le massacre d' une centaine de Palestiniens, à Deir Yassine, à l'assassinat industriel de six millions de juifs ? Et qui oserait comparer l'expulsion de plus de 750 000 Palestiniens, en 1948, à la tentative presque réussie d'exterminer physiquement jusqu'au dernier homme, jusqu'à la dernière femme et jusqu'au dernier enfant juifs, en Europe ? Les deux atrocités ont connu leur lot abondant de négationnistes, au fil des années Beaucoup de sionistes, soit intentionnellement, soit par ignorance, ont dénié Deir Yassine et continuent à le faire « Il n'y a eu aucun massacre à Deir Yassine », disent-ils ; « C'était simplement une bataille - une bataille que les Palestiniens ont perdue Ce genre de choses, cela arrive, dans une guerre Et, de toute manière, ils nous ont fait la même chose, à nous, alors.. » Aussi, « Non, les Palestiniens n'ont pas été expulsés ; ils ont pris la fuite, et puis, de toutes les manières, ils n' aimaient pas cette terre, alors que nous, les juifs, cette terre, nous l' aimons : regardez-moi un peu comment elle était négligée jusqu'à ce que nous ramenions notre fraise, pour faire fleurir le désert » L'Holocauste n'est pas en reste : lui aussi, il a été soumis à rude épreuve Tout au long du demi-siècle écoulé, des chercheurs révisionnistes ont accumulé un formidable corpus de preuves substantielles qui contredisent en tous points le narratif traditionnel de l'Holocauste : « Où sont les preuves », demandent-ils, « de ce prétendu massacre de masse aux dimensions gargantuesques ? Où sont les documents ? Où sont les traces, les indices ? Où sont les armes du crime ? » Ces révisionnistes reconnaissent tous, bien sûr, qu'il y a eu une terrible offensive contre les juifs de la part du gouvernement allemand national-socialiste, mais ils ne sont pas d'accord sur la dimension, les motivations et les méthodes citées dans le narratif typique - un narratif que, pour la plupart d'entre nous, nous adoptons, ou sommes contraints d'adopter « Ce qui est arrivé aux juifs », disent-ils, « c'est une épuration ethnique brutale, accompagnée de dépossession, de pillage et de massacres » « Une épuration ethnique brutale, accompagnée de dépossession, de pillage et de massacres ? » Voilà qui dira sûrement quelque chose aux Palestiniens Mais aussi semblables les histoires de souffrance vécues par les juifs et les Palestiniens peuvent-elles sembler, ces similarités dissimulent des différences fondamentales : Primo : sous toutes les versions, et d'après tous les témoignages sur les événements, ce qui a été fait aux juifs d'Europe s'est passé très loin de Yad Vashem, alors que ce que a été fait aux peuple palestinien s'est passé juste là-bas, dans le village de Deir Yassine, et juste là-bas, dans l' ensemble de la Palestine Secundo : les auteurs des atrocités contre les juifs n'avaient rien à voir ni avec la Palestine, ni avec les Palestiniens, alors que les responsables de la tragédie palestinienne furent - et sont encore - des juifs Tertio : les auteurs des atrocités contre les juifs ont été impitoyablement condamnés au fil des années et punis pour leurs crimes, et ils ont, pour la plupart d'entre eux, fait acte de contrition, alors que les auteurs du massacre de Deir Yassine ont été, quant à eux, honorés pour leurs crimes, continuent à en être fiers et persistent dans leur idéologie et dans leurs agissements Quarto : ce qui est arrivé aux juifs a eu un début, un milieu et une fin, alors que l'agression contre les Palestiniens continue, et qu'on n'en aperçoit pas la fin. Enfin, une dernière différence : si la preuve vivante de la véracité du narratif de l'Holocauste, c'est un peuple juif sain, vivant et sûreté et puissant, chez lui où qu'il se trouve, la preuve vivante de la véracité de Deir Yassine et de la Nakba, c'est un peuple palestinien dépossédé, exilé et aspirant à rentrer chez lui.

Paul Eisen, Président de Deir Yassin Remembered