L'article « Avec des amis comme ceux-là… », Avnery dénie la vérité fondamentale sur Israël

par Genevieve Cora Fraser

Traduit de l'anglais en français par Marcel Charbonnier, membre de Tlaxcala,
le réseau de traducteurs pour la diversité linguistique
( transtlaxcala@yahoo.com ). Cette traduction est en Copyleft.

 

Cher Uri,

 

Habituellement, j'adore vos articles. Mais « Avec des amis comme ceux-là… » dénote une incompréhension totale de ce qui est en train de se tramer en Amérique. L'AIPAC et les néocons américains sont profondément liés à Israël et à l'agenda politique sioniste, consistant à diviser et à conquérir le Moyen-Orient. En dépit de tous les arguments contraires, ils ont fabriqué des mensonges pour dissimuler la vérité, à savoir que l'Irak ne possédait pas d'armes de destructions massives susceptibles de porter atteinte à l'Amérique. L'implication israélienne a été également occultée, quand le soi-disant « Nouvel Irak » a exhibé un soi-disant drapeau irakien qui n'était qu'un duplicata certifié conforme du drapeau israélien, mis à part le remplacement de l'étoile de David par un croissant bleu pâle… Si vous regardez en arrière, c'est à partir de ce fait que l'enfer s'est déchaîné. L'insurrection irakienne détenait dès lors la preuve que si les Irakiens ne se défendaient pas comme des lions, ils subiraient le même sort que les Palestiniens. Mais, bien entendu, le pétrole est aussi au cœur du problème, aussi bien pour l'Amérique que pour Israël, et aussi que pour l'insurrection, qui pense que les ressources irakiennes appartiennent aux Irakiens. Uri, les Irakiens veulent récupérer leur pays. Les gens qui ont suivi la montée en puissance de l'Aipac et d'autres organisations similaires, des néoconservateurs et des sionistes chrétiens, au fil des années, et qui sont inquiets, ne sont pas des antisémites, comme vous l'insinuez : ce sont, tout simplement, des gens intelligents. Beaucoup, parmi eux, ont aussi du sang ashkénazi qui circule dans leurs veines. Certains sont des membres actifs de leur synagogue locale. Bien loin de faire d'eux des gens haineux d'eux-mêmes, cela fait d'eux des gens avisés.

 

Uri, nous aussi, les Américains, nous voulons récupérer notre pays. Nous avons une constitution (à la différence d'Israël), et la majorité d'entre nous, nous croyons vraiment que Tous les Hommes sont Nés Egaux – qu'aucune race, aucune croyance, aucun sexe n'est supérieur à l'autre. Israël, regardons les choses en face, est un pays aussi raciste que n'importe quel pays, sur terre. Les sionistes blancs caucasiens qui gouvernent votre pays haïssent les sémites qu'ils ne prétendent être.

 

L'Amérique fait également sienne la « séparation de l'Eglise et de l'Etat », qui est fondamentale pour garantir les droits humains fondamentaux. Or Israël ne la fait pas sienne, ni non plus les néocons ou leurs sympathisants chrétiens sionistes, ni l'administration Bush. Beaucoup d'entre nous, fut un temps, ont été de véritables partisans d'Israël, mais les écailles nous sont tombées des yeux et, franchement, les tactiques de votre pays nous retournent l'estomac. Nous sommes nombreux à redouter que nos dirigeants ne s'inclinent devant les dirigeants israéliens, que nous aussi soyons en train de devenir de plus en plus des fascistes, dans notre politique étrangère, d'une manière qui ne ferait que décupler l'incarcération et la victimisation de l'ensemble de la Palestine. Le constat qu'il n'y a que l'épaisseur d'une feuille de papier à cigarette entre les agendas politiques nazi et sioniste est proprement effrayant.

 

Certains, parmi nous, sont allés en Palestine, et ont constaté de visu ce qu'on y commet. Oui, j'ai été personnellement dans l'appartement maculé de sang d'un militant pacifiste brutalement assassiné par un commando de l'armée israélienne. J'espérais qu'un tel niveau de bestialité était inhabituel, mais je sais que, malheureusement, cela arrive tous les jours. Trop de Palestiniens modérés ont été emprisonnés, torturés et assassinés par les troupes israéliennes – et n'oublions pas ces enfants, qui sont légion, qui ont été abattus, ni les snipers et les tanks qui ont semé la dévastation dans des écoles primaires, etc. etc. etc. Ces méthodes sont utilisées afin de déstabiliser un pays, d'y créer un chaos constant et non provoqué.

 

L'apparition de ceux qu'on qualifie de « terroristes palestiniens » est une réponse à une victimisation continuelle de la Palestine par Israël. Et pourtant Israël recourt à l'écran de fumée de la « victime éternelle », tout en continuant à tire larigot ses attaques à coups d'hélicoptères, de jets de combat, de missiles télécommandés, de bombes incapacitantes, d'horreur buldozérisée, de mur raciste d'apartheid, de vol des terres agricoles et des ressources en eau des Palestiniens. Israël profane et blesse une terre qui a été amoureusement entretenu, des millénaires durant, par sa population autochtone. Les effluents résidentiels, industriels et militaires empoisonnent les sols et se déversent dans les nappes phréatiques, tandis que les pouvoirs curatifs de la Terre sainte et de son legs spirituel – le judaïsme, le christianisme et l'Islam – sont bafoués.

 

Uri, je sais bien que vous protestez, que vous élevez la voix et que vous écrivez de merveilleux articles provoquant la réflexion, sur les agissements horrifiants d'Israël. Mais, s'il vous plaît, ne venez pas nous dire que nous sommes antisémites parce que, nous aussi, nous remarquons les crimes incessants contre l'humanité qui constituent, aujourd'hui, comme cela a toujours été le cas, la politique israélienne. Nous sommes conscients du fait que les véritables événements qui se déroulent en Palestine et aussi ceux qui affectent les Arabes en Israël sont rarement mentionnés dans la presse américaine, détenue et contrôlée de manière prépondérante par des juifs, à moins que d'une manière ou d'une autre les mots « terroristes palestiniens » n'y soient soulignés. Aujourd'hui, nous voyons des icônes de la télévision, comme Charlie Rose acquiescer à la proposition que Sharon « est un homme de paix » [excusez-moi, si je m'esclaffe] et affirmant de manière péjorative que « les Palestiniens ne changeront jamais. » C'est un mensonge. Les Palestiniens ont changé, et ils l'ont prouvé.

 

Oui, ils ont changé, passant d'une société prospère et hautement éduquée, qui chérissait cette Terre sainte qu'ils cultivaient et les lieux saints qu'ils préservaient à une société écrasée sous les bottes d'Israël – violée, torturée, volée, ethniquement épurée et massacrée à volonté par les Israéliens. Combien de temps l'holocauste a-t-il duré ? Douze, treize ans, tout au plus… ? Alors, s'il vous plaît : ne nous parlez plus de milliers d'années.

 

Les gens de ma famille ashkénaze, en Europe, étaient hautement éduqués et prospères, mais ils ont quitté l'Europe, fort heureusement, bien avant que la répression nazie ne s'abatte. Quant à l'héritage romain catholique de cruauté despotique – les juifs n'étaient pas les seuls concernés : les Papes torturaient, brûlaient vifs et chassaient les chrétiens « hérétiques », et les musulmans, de la même manière. Mais il y a des siècles que cela se passait, au cours du Moyen-Age. La plupart des gens ont désormais oublié ce traumatisme, parce qu'ils l'ont surmonté.

 

Pourquoi, dès lors, les Palestiniens ont-ils été désignés, seuls, pour souffrir ? Six décennies de tortures n'ont-elles pas suffi, pour racheter les péchés de l'Europe ? Israël a le désir notoire de déstabiliser l'ensemble du Moyen-Orient, car il redoute qu'une région saine, riche et unie ne risque d'entraîner sa destruction. Alors, je vous en prie : ne vous en prenez pas à moi, ni à mes amis, ni aux millions de personnes que je n'ai pas encore eu l'honneur de rencontrer et qui reconnaissent ce fait. Cela n'a rien à voir avec l'antisémitisme : il s'agit tout simplement de regarder les réalités en face. Si vous venez en ennemi dans une région, les gens vous y répondent en voyant en vous un ennemi. Pas besoin d'avoir fait Saint-Cyr pour le comprendre.

 

Le plan de partage de 1947, duquel Israël fait dériver sa prétendue légitimité, n'a pas autorisé le transfert de populations des Etats nouveaux nés. Et pourtant, les Palestiniens ont été torturés, évincés et tués, depuis près de soixante ans – des lois racistes comme les Lois sur les propriétaires absents de 1948 ont déclaré tous les Arabes absents de leurs terres et propriétés, même s'ils étaient chez eux, dans leur lit. Telle est la prétention d'Israël sur ces terres – en voilà, une manip' de juristes ! – au même moment où ils JETAIENT LES PALESTINIENS A LA MER à Jaffa, à Haïfa et dans d'autres localités côtières. Vous voyez, le Hamas ne mâche pas ses mots, mais il est dans l'incapacité de mettre sa menace à exécution, à savoir : jeter les Israéliens à la mer. La menace du Hamas n'est que l'image, le reflet au miroir de ce qu'Israël a fait au peuple que le Hamas a juré de protéger. Voilà, pourquoi Israël a tellement peur.

 

Israël redoute de devoir payer la monnaie de sa pièce, parce qu'il sait très bien, en son âme et conscience, ce qu'il a fait. Si Israël veut la paix, alors il doit adopter les droits fondamentaux de l'Homme, il doit épouser ce qu'il y a de meilleur dans le judaïsme et dans toutes les religions possibles et imaginables, qui sont toutes respectables et responsables : la droiture, la civilité et la recherche du bien commun, et non de l'horreur partagée.

 

Si Israël veut la sécurité, il doit devenir une « démocratie constitutionnelle », qui éradique toutes ses lois racistes infamantes. Israël doit reconnaître et respecter le droit international et affirmer fièrement et clairement ce qu'il défend – y compris la restitution de leurs biens aux dépossédés de Palestine. Israël doit aussi présenter des excuses sincères pour ses crimes. Tant que cela n'aura pas été fait, la Palestine n'aura pas de partenaire de paix, et la réconciliation restera impossible. Aujourd'hui, les faits, sur le terrain, en Israël et en Palestine, ne sont que par trop évidents. L'agenda pas-si-secret-que-cela d'Israël, soutenu par le fric américain, consiste à avaler tout rond la Palestine et à épurer ethniquement ceux qu'ils pourront épurer, tout en maintenant le reste de la population palestinienne enfermé dans les camps d'internement du mur raciste de l'apartheid – où ils sont torturés, brutalisés, affamés et déshydratés jusqu'à ce que mort s'ensuive – comme les millions de Palestiniens de la diaspora, que l'on laisse pourrir dans des camps de réfugiés, si près, et pourtant si loin, d'ici.